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La Pause Simone : J'ai testé le premier bar sans alcool de Paris (et ce n'était pas chiant du tout)

La Pause Simone : J'ai testé le premier bar sans alcool de Paris (et ce n'était pas chiant du tout)
Simone

Comme dit le proverbe : « Sans alcool, la fête est plus folle ». C’est à Déjà bu ?, un bar 100% sans alcool, qu’il prend tout son sens. Notre journaliste Chloé Thibaud s’est interrogée sur l’impact de la consommation d’alcool en France et est allée à la rencontre de Sarah Missaoui, la fondatrice et gérante de ce lieu, dans le 11ème arrondissement de Paris.

“Un verre de vin blanc et un shot de rhum, s’il vous plait“ ; “Pour moi, ce sera un Negroni et un pastis !“Voici la commande que mon amie et moi passons samedi dernier dans le bar Déjà Bu ?. Mais, comme dirait La Voix de Secret Story (oui.), méfiez-vous des apparences... cette commande est 100% sans alcool. Hein ?! Quoi ? On ne peut même plus picoler tranquille ?! Pardi, les wokes vont tuer notre grrrande culture française ! Non, allez, prenez une grande inspiration et je vous explique. Le 27 avril, sur le plateau de Quelle époque !(talk-show hebdomadaire diffusé sur France 2), Léa Salamé a reçu Artus. Lorsqu’elle lui a demandé quelles étaient ses astuces pour se “blinder contre les angoisses“, l’humoriste lui a confié qu’il avait arrêté de boire et de fumer, ce à quoi la journaliste a répondu : “Ah, vous êtes devenu chiant“. Cette remarque a choqué un très grand nombre de personnes (dont moi) et fait polémique toute la semaine suivante*, notamment sur les réseaux sociaux. C’est ainsi que je suis tombée sur une story de Sarah Missaoui, la fondatrice et gérante de Déjà Bu ?, dans laquelle elle faisait part de son indignation. “J'ai réagi parce que ça a vraiment touché mes clients et que c'est ce genre de phrase qui contraint parfois des gens à reprendre l’alcool, m’explique-t-elle. C'est très français d'insister quand les gens te disent ‘non’ - allez, juste un verre ! - mais pour beaucoup de personnes, juste un verre ce n'est pas possible. La remarque de Léa Salamé a touché et ému beaucoup de monde parce qu’on n’imagine pas qu'il y a vraiment des gens qui souffrent de l'alcool, qui essaient de s'en sortir mais qui n'y arrivent pas.“

Afin que vous sachiez d’où je parle, je vous confie ceci : j’ai 33 ans et je n’ai jamais été “bourrée“. Adolescente, je n’aimais pas l’alcool parce que j’étais terrifiée à l’idée de perdre le contrôle et que le coma éthylique d’une de mes amies m’a traumatisée. J’ai souvent fait face au jugement des autres lorsque j’étais la seule à ne “pas boire“ (guillemets car je buvais, of course, mais autre chose) et il m’est même arrivé - tenez-vous bien, c’est ridicule - de faire semblant d’avoir trop bu pour avoir l’air cool. Devenue adulte, et particulièrement dans mon milieu professionnel (les médias), j’ai plusieurs fois halluciné qu’on se moque de moi parce que 1) je ne consommais pas d’alcool et 2) j’exprimais un besoin de manger. En clair, pour s’intégrer dans certaines rédactions, il était de bon ton après le taf d’enchainer sur un apéro où l’on multiplie les verres avec le ventre vide. Alors je l’écris pour celles et ceux qui ont besoin de le (re)lire : quelle que soit votre raison de ne pas boire, il n’est pas normal que vous vous sentiez honteux·se, stigmatisé·e. En découvrant le concept de Déja Bu ?, j’ai donc immédiatement eu envie de tester ce bar/cave du 11ème arrondissement de Paris, le tout premier lieu de la capitale à proposer des boissons 0,0% sans alcool, à consommer sur place ou à emporter.

En arrivant, Sarah Missaoui me fait découvrir la variété de son offre.“Il y a des choses qui ressemblent à de l’alcool - vins, spiritueux, pétillants, cidres - mais aussi des options supplémentaires qui n’imitent pas nécessairement l’alcool, à base de fleur de sureau, yuzu, gingembre, de maté, CBD, kombucha…“ Premier constat : les bouteilles sont élégantes, originales, jolies, et tout me donne envie. “L’idée est de boire autre chose qu’un soda ou un jus de fruits super sucrés, ce que déplorent la plupart de mes clients. En fait, les bars traditionnels n'entendent pas qu’il y a une vraie demande ! C'est frustrant de devoir choisir entre bière et coca, sachant en plus que les sodas coûtent souvent plus cher que l’alcool.“ Ancienne journaliste, Sarah Missaoui a créé ce lieu il y a quinze mois et le succès est au rendez-vous. “Ici, c’est un safe space, un lieu inclusif où tout le monde peut tout boire, on n’est pas là pour juger qui que ce soit ou être moralisateur.“ Elle estime que 80% de ses clients et clientes sont des personnes qui boivent mais souhaitent réduire leur consommation, ainsi que des femmes enceintes. “Souvent, les 20% restants n’ont jamais bu d’alcool et veulent découvrir à quoi pourraient ressembler des boissons comme le vin ou les spiritueux, précise-t-elle. Il y a aussi des personnes alcooliques qui ont dû arrêter mais s’ennuient à boire du soda. Mon rôle n’est pas de les accompagner - je n’ai pas les compétences, mais j’ai échangé avec des addictologues et des patients experts - non, mon rôle est plutôt de leur offrir une option supplémentaire. Finalement, ce qui est chiant ce n’est pas de ne pas boire, mais de ne pas savoir quoi boire !“ Bien que les cocktails aux saveurs exotiques me fassent de l'œil, je décide de goûter le Sauvignon désalcoolisé (6,50 euros le verre) et de m’offrir un petit shot imitation rhum (2,50 euros). Le shot est délicieux et le vin blanc… surprenant. Je le bois comme s’il s’agissait d’un verre normal et mon cerveau semble ne faire aucune différence. Même ressenti pour mon amie qui se régale avec son pastis et n’en revient pas de la saveur de son “virgin Negroni“. À côté de nous, un groupe de quatre amies refait le monde. Je les interromps pour savoir ce qui les a amenées chez Déjà Bu ?.

“Ce qui nous a plu, c’est le fait de pouvoir boire des cocktails sans alcool avec des saveurs qu’on n’a pas l’occasion de goûter d’habitude, c’est assez kiffant ! déclare Dorsaf, 22 ans. Je ne bois pas d’alcool par croyance, et même l’odeur de l’alcool ne me plait pas du tout. J’ai souvent le droit à ‘Pourquoi tu ne goûtes pas ? Essaie, rien que pour une fois !’, et quand les gens sont dans leur ambiance de bar, avec leurs bières, je trouve que t’as toujours l’air un peu débile avec ton jus de pomme, quoi...“ Je me réjouis de voir cette jeune femme déguster son verre de rosé. Contrairement à elle, sa copine Marina, 22 ans, aime bien boire alcoolisé. C’est elle qui a convié la bande, par curiosité, “pour voir si ça se rapprochait des vraies boissons“. Verdict : “Le goût n’est pas exactement le même, il n’y a pas d’alcool, mais c’est très frais et l’ambiance est là“. Absolument d’accord. Pendant les deux heures que je passe ici, les tables sont occupées, les gens parlent, rient, et prouvent clairement que ce ne sont pas les degrés d’alcool qui comptent, mais celles et ceux avec qui nous partageons nos verres. “Tout ça s’inscrit dans une tendance de fond, observe Sarah Missaoui. Depuis quelques années en France, les gens mangent moins gras, moins sucré, plus de légumes. Maintenant, on fait aussi attention à ce qu’on boit. Il faut également savoir que la loi française est très permissive. Comme en Italie, on a le droit de mettre une étiquette ‘sans alcool’ dès lors qu’il y a moins de 1,2% d’alcool. Mais au niveau européen, la limite est à 0,5%. La France est quand même l’un des rares pays qui n’a pas soutenu le Dry January. Contrairement au mois sans tabac, il n’y a eu aucune campagne gouvernementale, pas de spot télé, radio, ou d’application dédiée.“ Pourquoi ? Parce que le lobby et la culture de l’alcool sont trop puissants.

Mélanie, l’une des clientes que j’interviewe, me partage une “anecdote“ qu’elle a vécu la veille : “J’étais dans un bar avec ma pote enceinte et j’ai demandé au barman s’il avait de la bière sans alcool. Il m’a répondu : ‘Non, nous on est des vrais !’. Mais des vrais quoi, sérieux ? Il a compris et il a vite dit ‘Ah, félicitations’, mais il a mis du temps à nous servir et il a refusé de me vendre une grande bouteille d’eau gazeuse, sous prétexte que ce n’était possible que pendant les repas, c’est ouf quand même !“. C’est pour cette raison que cette femme de 33 ans est venue découvrir Déjà Bu ?. “Ça a un côté rassurant de se dire que tout est 0,0% d’alcool car j’ai pas mal de copines enceintes en ce moment et le fait qu’on puisse acheter à emporter est vraiment pratique. Moi, je réduis aussi ma consommation. Je vois bien qu’on a pris l’alcool comme si c’était un jouet et, aujourd'hui, je me dis que ça ne va pas… C’est un peu comme arrêter la clope, les pétards. Je me dis ‘ok, j’ai eu mes années d’adolescence’ mais maintenant ce n’est plus festif. Limite, ça te met dans des galères affectives, avec ton mec, tes potes… C’est génial d’offrir la possibilité à des gens qui ne boivent pas d’avoir un lieu à eux.“ C’est génial, mais ce qui le serait encore plus c’est que la majorité des bars s’inspirent du travail formidable réalisé par Sarah Missaoui. “Nous, on boit de l’alcool mais on a la conscience de se dire qu’en consommer moins, c’est bien, commente Fanny, 43 ans. J’ai pris un shot de whisky et un shot de rhum, et je trouve vraiment du plaisir à les boire. C’est caramélisé, vanillé… Au nez, on peut s’y méprendre, c’est assez bluffant !“ Son ami José, 34 ans, apprécie son gin tonic. “Je ne sens pas la différence, me dit-il. En termes d’ambiance, c’est la même chose et j’aimerais trouver plus d’endroits comme ça pour réduire ma consommation pendant les soirées.“ Ce jour-là, José est le seul homme avec qui j’ai l’occasion d’échanger.

J’ai l’impression - et je ne dispose pas de chiffres pour la confirmer, seulement de mes nombreuses interviews et conversations à ce sujet avec mes proches - que les femmes sont actuellement plus conscientes du problème que les hommes. Aussi, j’ose faire un lien direct entre la culture de l’alcool et la culture du viol. “J’ai déjà bu à cause de la pression sociale, pendant des fêtes ou même en famille, m’avoue Filipa, 21 ans. C’est très culturel, pour un anniversaire ou au nouvel an, on m’a dit plein de fois ‘allez, une coupe de champagne histoire de’... Mais ça ne sert à rien cette ‘histoire de’ ! Je n’aime vraiment pas l’alcool !“ Sarah Missaoui a bien connu ce que sa cliente raconte. “Moi aussi j’ai bu pour répondre à une certaine pression, et surtout pour m’intégrer à mon milieu professionnel. En tant que journaliste et qui plus est en tant que femme, avec des origines, je me suis déjà dit ‘tu bois pas, tu fumes pas, t’es chiante’ et je me suis sentie un peu à l’écart, alors je commandais des bières pour faire comme tout le monde.“ Il est primordial de comprendre que la notion de consentement ne s’applique pas seulement au champ des relations sexuelles. Si quelqu’un vous propose un verre d’alcool et que vous dites “non“, c’est “non“. Vous n’avez ni à vous justifier ni à vous forcer. De la même façon qu’un homme à qui vous déclarez “non“ pour coucher avec lui pourrait vous rétorquer que vous êtes “frigide“, celui à qui vous déclarez “non“ pour un verre de vin vous dira sans doute que vous n’êtes “pas drôle“ ou “chiante“. N’hésitez jamais à rappeler à ceux-là que ce qui est vraiment, mais alors vraiment très chiant, ce sont les 49.000 décès par an dus à l’alcool en France et l’inversion de la culpabilité que subissent encore les femmes accusées d’avoir trop bu lorsqu’elles sont victimes de viol.

Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site de Déjà Bu ? ou sur Instagram

*Léa Salamé a répondu à la polémique dans son émission du samedi 4 mai en rappelant que “c’était vraiment une plaisanterie“. Plus de détails dans cet article du HuffPost.

Simone kiffe : les recommandations de Chloé Thibaud

Vous êtes-vous déjà demandé comment se passait la maternité au paléolithique ? Moi non plus. Alors sachez d’abord que les femmes donnaient la vie assez tôt, vers quatorze ans. Ensuite, qu'elles allaitaient pendant environ quatre ans. Et puis, qu'elles élevaient leurs enfants en groupe, histoire d’être capables d’aller chasser le gibier peinardes. Intéressant, n’est-ce pas ?Soline Bourdeverre-Veyssiere est enseignante en histoire-géographie et signe Mama Sapiens aux éditions Le Courrier du livre, “une histoire des mères à travers les âges“ très joliment illustrée par Léna Piroux. Que vous soyez maman ou pas, que vous vouliez des enfants ou non, je suis persuadée que cette BD va vous passionner car, comme l’écrit l'historienne Yannick Ripa dans la postface, “les travaux récents [...] détruisent ce mythe genré des cavernes : cette division des tâches et des rôles est un leurre pour mieux faire intégrer cette répartition aux descendantes de madame Cro-Magnon“. Le préhistorique, c’est politique !

“Là, dans le temps de ce mouvement, les effluves de mon entrejambe remontaient parfois jusqu’à mon nez. C’était une odeur nouvelle dans ma vie, et elle m’évoquait très nettement celle d’un Carambar au caramel.“ L’odeur des règles... L’odeur des règles dans une protection périodique, dans un jean Miss Sixty… C’est tabou ? Non, c’est poétique. Dans son essaiPar le bout du nez - Une histoire intime des odeurs, Sarah Bouasse traite de ce qui pue, de ce qui sent bon, de ce qui n’a pas d’odeur ou ce qui rappelle des souvenirs… J’ai honte mais j’ignorais qu’il existait des journalistes spécialistes des odeurs et du parfum. Selon l’autrice, il serait seulement une dizaine en France, à faire ce travail considéré comme “pointu“ ou très “niche“. Pourtant, “l’éducation olfactive“ est si importante ! Il faut lire ce premier livre très réussi, bouleversant, qui donne envie de tout renifler quand on le referme. Aux éditions Calmann-Lévy.

“Je devine l’odeur de l’eau, les insectes sur ma peau“, chante Yasmine Baïou dans “Royaume Vert, le premier titre de son futur EP, Créature Inhumaine, prévu (et attendu !) pour l’automne 2024. Écrite et composée par l’artiste, il s’agit d’une “ode à la nature, au fantasme du retour à l’état naturel, à l’abandon de toute civilisation“ que j’écoute en boucle, me laissant volontiers hypnotiser par son clip, réalisé par Diane Sagnier. Cette pépite onirique est sortie aujourd’hui et nous permet, le temps de 4 minutes et 21 secondes, de nous imaginer en reines du désert, entourées de chevaux sauvages et parées de bijoux dorés. Hâte de découvrir la suite !

Le poste Simone de la semaine

Avoir sa place dans une série d'action en tant que femmes soulève de nombreuses problématiques. Marina Foïs et Lina El Arabi sont à l'affiche de la  série Netflix Furies. Alors que leur rôle est de maintenir l'ordre dans le crime organisé parisien, les deux actrices nous confient leur point de vue sur les femmes de pouvoir. Lire l'article

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Quand on vous dit « archives », vous pensez à quoi ? Dites rien : sûrement à des livres de compte poussiéreux du moyen-âge manipulés avec des gants qui expliquent que Jeannette la meunière a remboursé 3 écus à Jojo le maréchal-ferrant en octobre 1234.

Bon, ok, on est peut-être les seul·e·s à s’imaginer ça, mais Alice·x a décidé de bousculer ce cliché en nous proposant une balade sensible dans les trésors du Centre d’Archives LGBTQI+. Au programme : des trucs à feuilleter, toucher, voir ou entendre allant du flyer pour le lieu féministe et autogéré La Barbare aux fouets de Guillaume Dustan. Bref, une mémoire réveillée et des archives vraiment vivantes (enfin on espère que les fouets ne sont pas vivants) à découvrir au Palais de Tokyo du 17 au 19 mai. En plus, les entrées sont libres, et il paraît qu’on peut même photocopier des choses. Ce qui est toujours une bonne raison de se réjouir.

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