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Dossier spécial (Prima)

Mozzarella : comment est-elle fabriquée ? Rencontre avec un producteur français

A Pradelles-en-Val, dans le Languedoc, la famille Antonini fabrique de la mozzarella avec le lait cru de leurs bufflones. Un délice.

Comme le camembert, la mozzarella est fabriquée dans le monde entier y compris en France, à Paris, à Bordeaux et même à Nantes. A Pradelles-en-Val, petite bourgade des Corbières, le fromage à l’origine italienne n’est ni imité, ni galvaudé. Il est authentique ! Edoardo Antonini et sa famille sont Italiens. Nés à Rome, ils ont un jour décidé de s’installer dans l’Aude, à proximité de Carcassonne. Quand ils achètent les bâtiments d’une ancienne coopérative viticole, ils pensent la transformer en ferme-auberge, un peu comme les agriturismo que l’on trouve en Italie. "L’idée de la mozzarella n’est venue qu’ensuite, raconte Edoardo, ingénieur agronome de formation. Car je dois avouer que nous n’y connaissions rien à la question. Je n’avais jamais approché de près une bufflonne".

Les bufflonnes, ces vaches à l'origine de la mozzarella

Le paysage alentour ne ressemble ni à la Campanie, ni au Latium, les deux berceaux de la mozzarella en Italie. Les Corbières, avec ses vallons rocailleux, arides et ingrats, sont plutôt des terres à vignes. Les bufflonnes et leurs petits vaquant dans les prairies de Pradelles-en-Val attirent le regard des voyageurs. Les voisins sont habitués et sont même les premiers clients de Edoardo. Une centenaire du village lui rend régulièrement visite non pas pour sa mozzarella, mais les crèmes glacées que le fermier italien fabrique aussi avec le lait de ses étranges animaux.

Comme la vache, la bufflonne est curieuse. À la vue d’un étranger, elle se plante sur ses quatre jarrets musclés et darde l’importun. Elle arrête de ruminer si elle était occupée à le faire et offre un regard aussi noir que sa robe maculée de boue séchée. Elle est ornée de cornes impressionnantes et finement ciselées, courbées vers le ciel comme celles d’un casque gaulois. Ce serait mal l’interpréter que de l’imaginer menaçante. L’animal est débonnaire comme une vache normande.

Le lait de bufflonne, plus riche en matière grasse que celui de vache

A l’heure de la traite, à l’aube naissante, elle peut se montrer moins malléable, et il faut toute la douceur et le calme du fermier pour qu’elle donne son lait. C’est de l’or blanc, très riche en matière grasse (deux fois plus que dans le lait de vache) et parfumé par l’herbe des Corbières qu’elles ont broutée. Les bufflonnes d’Edoardo sont bien soignées. Elles ne sont nourries qu’au pré, et de foin à l’étable. Mais les bufflonnes sont avares de leur lait. Les meilleurs jours, Edoardo trait 150 litres qu’il transforme en 150 boules de mozzarella environ. Car, après la traite, la fabrication commence.

Sur sa ferme, Edoardo Antonini a creusé une grande piscine pour ses bufflonnes, plus exactement une mare de boue. Les animaux cornus, à la charpente impressionnante, adorent s’y baigner. Les petits suivent gaiement. Il faut dire que la bufflonne est originaire d’Afrique et cette technique, au-delà de ce qu’elle lui est agréable, lui permet de se couvrir de boue et de se protéger des rayons du soleil comme de la chaleur.

La fabrication artisanale de la mozzarella

"Quand j’ai commencé, j’ai lu un livre sur la viticulture, raconte l’éleveur. Il expliquait qu’il y avait 1.000 façons de faire un mauvais vin, et une seule d’en faire un bon. C’est pareil avec la mozzarella". Comme pour tous les fromages, il commence par faire cailler le lait en lui ajoutant de la présure (extrait de l’estomac des veaux). Les protéines coagulent et piègent la matière grasse. Les grains formés sont séparés du petit-lait et moulé pour former des pains de caillé. Après un temps de repos et d’égouttage, le caillé est mis dans un bac, et Edoardo commence à l’émietter avec ses mains. Puis il verse de l’eau très chaude. À l’aide d’une longue cuillère en bois, il malaxe le fromage en fusion avec des gestes amples et physiques. Il le bat et l’étire comme un paysan de l’Aubrac fabriquerait de l’aligot. Dans un geste qui l’oblige à porter ses coudes au-dessus des épaules, mettant ses trapèzes à rude épreuve, il tire sur le fromage qui s’élève comme une étoffe drapée. Le rideau de mozzarella, d’un blanc crémeux, chatoie et retombe en une masse informe dans la cuve. Le fromage est alors transféré dans un bac contenant de l’eau très chaude. Edoardo y plonge les mains pour façonner les boules de mozzarella. Il effectue un geste sec de torsion pour rompre la pâte. Les Italiens ont un verbe pour décrire ce mouvement : mozzare, à l’origine du nom du fromage. Les boules formées baignent ensuite dans une eau froide. Sous l’action du choc thermique, la mozzarella se fige, une fine pellicule nacrée l’entoure… Le fromage n’est jamais meilleur qu’à ce stade.

Le lait cru, le secret d'une saveur incomparable

La mozzarella d’Edoardo Antonini est fabriquée avec du lait cru. Il n’est ni chauffé, ni refroidi après la traite. Si bien que tous les ferments du lait sont en partie préservés à l’heure de la fabrication du fromage. Les milliards de micro-organismes de cette flore lactique sont les précurseurs des arômes et du goût du fromage. Voilà pourquoi la mozzarella d'Edoardo possède une saveur si exceptionnelle. Justement parce que le lait n’a rien perdu des parfums issus de la nourriture des bufflonnes. A contrario, de nombreux produits importés d’Italie sont fabriqués avec du lait pasteurisé de vache ou de bufflonne nourries à l’auge avec des fourrages de conserve (comme l’ensilage de maïs). Leur goût est donc beaucoup plus décevant.

Un fromage à consommer rapidement pour apprécier ses saveurs

Croquer une mozzarella juste après sa fabrication, quand elle est au fait de sa fraicheur, est un plaisir exceptionnel, surtout chez Edoardo Antonini. Elle est encore spongieuse, gorgée d’un jus lacté aromatique. Elle s’apprécie telle quelle sans autre apparat qu’un filet d’huile d’olive, et un peu de poivre. Avec les jours qui passent, la mozzarella devient plus crémeuse. Elle s’assèche. Sa vie est donc très courte. Alors, la faire voyager depuis l’Italie apparaît comme une hérésie. C’est pourquoi, Edoardo refuse d’expédier sa mozzarella. Il faut venir à la ferme pour l’acheter ou s’asseoir à l’une des tables du restaurant attenant, la Bourdasso. Son frère Giacomo la cuisine avec ou sans les pâtes.

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