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Eva Longoria, Isabelle Mergault, Sandrine Bonnaire : à l’occasion du Festival de Cannes, les réalisatrices se livrent comme rarement sur leur métier

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Pierre Niney et sa compagne Natasha Andrews
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Pour sa 77ème édition, le Festival de Cannes s'écrit au féminin. Entre la maîtresse de cérémonie Camille Cottin, la Palme d'or d'honneur décernée à Meryl Streep, la présidente du jury du festival Greta Gerwig et la prestation de Zaho de Sagazan, un vent de nouveauté souffle sur la Croisette. Femme Actuelle met aussi quatre réalisatrices à l'honneur pour l'occasion.

À l'occasion de la 77ème édition du Festival de Cannes, France Télévisions propose du 13 au 26 mai 2024 des portraits de réalisatrices sur ses antennes. Isabelle Mergault, Sandrine Bonnaire, mais aussi Andréa Bescond, Audrey Dana ou encore Eva Longoria ont livré des discours forts sur ce que représente le métier de réalisatrices pour elles. Femme Actuelle a décidé de rapporter la précieuse parole de quatre d'entre elles, emblématiques de leur époque et des obstacles que rencontrent les femmes dans ce milieu. En effet, même si la tempête #metoo a enflammé le milieu du cinéma ces derniers mois, on estime qu'en 2023 71,7% des cinéastes produits étaient des hommes, contre seulement 28,3% de femmes. Un vent d'espoir s'est levé l'an dernier, avec le record atteint par Greta Gerwig et son film Barbie, qui a rapporté1,35 milliard de dollars en six semaines d'exploitation, selon Le Parisien le 29 août 2023.

Vers un monde du cinéma avec plus de femmes ?

L'actrice et réalisatrice Eva Longoria s'est confiée aux caméras de France Télévisions : “Je ne voulais pas être une actrice qui reste à attendre que quelqu’un lui offre un rôle, explique-t-elle. Pour Desperate Housewives, j'ai passé dix ans de ma vie sur le plateau à l'utiliser comme mon école de cinéma. Je posais des questions, je me montrais curieuse, je me suis trouvé des mentors, je chargeais le film sur les caméras. C'est comme ça que j'ai appris la production, la réalisation." Une bonne école, qui lui a donné envie de réaliser à son tour. Latinos living the American dream, son premier film documentaire, est sorti en 2010. Mais elle révèle avoir fait face à bien des obstacles dans ce milieu encore largement dirigé par des hommes. "Je crois qu'en tant que femmes, les réalisatrices font face à de nombreux obstacles, constate l'interprète de Gabrielle Solis. On doit travailler plus dur, plus intelligemment, plus rapidement et pour moins cher." Malgré cela, elle ne perd pas espoir et regarde vers l'avenir : "Mon plus grand succès reste à venir, il n'est pas derrière moi. Je pense que j'ai encore beaucoup à faire et que ça ne fait que commencer.”

"Tous les rôles principaux étaient tenus par des hommes" — Audrey Dana

De son côté, Audrey Dana, la réalisatrice d'Hommes au bord de la crise de nerfs (2022), analyse pourquoi les représentations à l'écran doivent changer, afin de mieux refléter la réalité. “J'ai eu envie de passer à la réalisation parce que mon désir d'artiste, il a grandi au fil des années, déclare-t-elle. J’ai réalisé que tous les rôles principaux étaient tenus par des hommes et que moi-même j'étais 'la femme de, la maîtresse de, la secrétaire de'." Un constat qui lui a donné envie de réaliser ses propres films. "Donc j'ai dit 'mais nous aussi on est drôles, nous aussi on peut faire des entrées au cinéma'. Alors j'ai lancé cette idée folle et Sous les jupes des filles (2014, ndlr) est né. Pour moi, c'est essentiel de communiquer à travers nos films sur les sujets qui comptent. J'aime la comédie, j'aime le rire et je pense que c'est une porte d'entrée absolument merveilleuse pour élever les consciences.” Élever les consciences, c'est ce qu'elles font, toutes, à leur niveau et avec les outils qui sont les leurs.

La question de la légitimité vissée au corps

Lorsqu'on réalise un film, notamment après avoir été actrice sous le regard de réalisateurs hommes une grande partie de sa vie, la tâche n'est pas aisée. La question de la légitimité de son propre regard, de ses propres sujets, se pose. C'est ce que traduit Sandrine Bonnaire dans son interview : "Venir d'une famille de 11 enfants donne envie d'exister, confie-t-elle. Quand on est très nombreux, on est un chiffre. Donc je crois qu'inconsciemment, j’ai eu envie d’avoir ma propre identité. En tout cas un prénom." Une fois lancée, elle se rend compte que les spectateurs sont au rendez-vous. Une réussite d'autant plus émouvante que le sujet la touche personnellement. "Ma première réalisation a été mon documentaire sur ma sœur Sabine (Elle s'appelle Sabine, sorti en 2007, ndlr), raconte-t-elle. C'était très politique. Pour tenter d'éveiller les consciences concernant la prise en charge du handicap. Au Festival de Cannes, j'ai vu la salle en larmes, et ça fait partie des plus grandes émotions parce que le sujet a touché. Je ne mesurais pas l'impact que ça pourrait avoir."

"Je ne me sentais pas légitime" — Isabelle Mergault

Petit à petit, les mentalités changent et la question de la légitimité prend moins de place, comme le raconte l'actrice, chroniqueuse et réalisatrice Isabelle Mergault.“Pour moi au départ, ce n'était pas une évidence de réaliser, se souvient-elle. Je ne me sentais pas légitime, j'ai eu toujours peur, toute ma vie, ça a toujours été comme ça, d’être un imposteur." Un sentiment qu'elle est parvenue à dépasser avec le temps et un peu d'aide, comme elle le raconte. "J'avais une très bonne équipe très aimante, très protectrice parce que je leur ai tellement dit 'aidez-moi, je ne sais rien'. Finalement la technique c'est une chose, moi, il n'y a que l'artistique. Ce qui m'a permis d'être légitime, c'est le nombre de spectateurs qui venaient.” En effet, Je vous trouve très beau, le premier film réalisé par Isabelle Mergault en 2005, a été un succès commercial en France. Toutes, à leur niveau, ces femmes exceptionnelles font changer l'image qu'on a du cinéma, et ainsi de la société. Le vieux monde semble vaciller, cette année, au Festival de Cannes. Il semblerait que le changement de paradigme soit en route.

L'intégralité des portraits des treize réalisatrices interviewées est à retrouver sur les chaînes de France Télévisions du 13 au 26 mai 2024.

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